Sortie parc, gare d’Ueno est un court roman japonais écrit en 2014 par la romancière d’origine coréenne Yû Miri. Ce livre nous raconte la vie d’un SDF vivant près du parc de la gare d’Ueno ; le lecteur a accès à ses pensées, ses sensations et surtout, aux souvenirs d’une vie teintée de regrets.
Fleurs de cerisiers et fleurs de misère
Sortie parc, gare d’Ueno propose dans ses quelques pages un bouquet de sensations différentes. Aux côtés des sans-abris de la gare d’Ueno, vous regarderez tomber les pétales des fleurs de cerisiers, en humant l’air rafraîchi par la pluie et les nouilles épicées réchauffées. Vous découvrirez le monde à travers les yeux des SDF, dans toute sa beauté et sa misère ; de nombreuses descriptions courtes mais pleines de sens viennent ponctuer un récit violent sur la réalité sociale des plus pauvres du Japon.
« SDF : personne qu’on fait semblant de ne pas voir quand on la croise, mais que de nombreux yeux surveillent. »
Brièvement, vous ferez la connaissance de ces personnalités étranges qui vivent dans la rue, comme la vieille dame qui porte deux chaussures différentes en permanence. Vous entendrez également le silence, qui lie intimement ces âmes délaissées.
Fragments de conversations et fragments de vie
Malgré l’apparente beauté des descriptions et le caractère contemplatif du roman, vous serez plongé dans un récit très réaliste qui vous permettra d’être proche du protagoniste. Comme lui, vous écouterez et serez fasciné par les bribes de conversation des passants, qui mènent une vie si banale mais si différente. « Chacun est différent des autres. Chacun a son propre visage, ses propres pensées, ses propres sentiments. Je le comprends. Mais vu de loin, les gens me font l’effet d’être tous pareils ou du moins de beaucoup se ressembler. Leurs visages sont comme de petites flaques d’eau, rien de plus. » Les dialogues sont ainsi nombreux mais ils servent davantage à mettre en lumière le quotidien des hommes qu’à faire avancer le récit ; ces discussions n’ont d’ailleurs pas de lien entre elles, puisque ce sont des fragments entendus çà et là. Cela peut être une expérience ennuyeuse pour le lecteur mais cela permet une immersion totale dans le parc auprès de cette humanité variée, riche, bavarde, que l’on s’amuse à écouter car « Entendre. Parler, c’est trébucher sur les mots, hésiter, s’interrompre; entendre, c’est aller tout droit. »
Le visage de la mort
Enfin, vous devez prendre conscience qu’en ouvrant Sortie parc, gare d’Ueno vous vous lancerez dans une lecture terriblement triste qui vous dépeindra une chute lente qui semble ne jamais se terminer. Les analepses vous montrent cette triste vie passée à travailler par nécessité pour regarder, finalement, les autres s’éteindre, les fleurs se faner… Le roman de Yû Miri est une œuvre qui parle de la perte de l’autre, de la perte des siens et qui vous exposera le déroulement des rites bouddhiques censés aider à accepter la mort. Dans les vapeurs de l’encens, en écoutant les chants de Buddha, vous ressentirez néanmoins un sentiment d’absurdité digne d’un Camus, tant la condition de l’Homme semble misérable « Je croyais que la vie était comme un livre, on l’ouvrait à la première page, on passait à la deuxième, on continuait et on arrivait bientôt à la dernière mais la vie n’a rien à voir avec ce que racontent les livres. Les lettres s’enchaînent, il y a des numéros de pages, mais cela n’a ni queue ni tête. Même au-delà de la fin, il n’y a pas de fin. Quelques chose demeure ».
Si vous aimez les mangas de Taniguchi, notamment pour le calme et la contemplation qui s’en dégagent, vous apprécierez ce roman de Yû Miri. Si vous êtes un adepte de Soseki, peut-être trouverez-vous de belles choses dans ce récit. Enfin, si la question de la précarité et la justice sociale vous intéresse, vous devriez aimer ce livre.
Si vous avez besoin d’un récit plein d’actions et riches en rebondissements, vous serez sans doute déçu par l’atmosphère paisible de ce roman. Si vous recherchez un livre réconfortant, qui vous mettrait de bonne humeur, ne vous fiez pas à cette jolie couverture rose : c’est un roman très triste. Enfin, si vous recherchez un manifeste sur la condition des SDF au Japon, sachez que nous sommes dans un récit très épuré, tout de même loin du documentaire.
Pendant votre lecture, choisissez un thé vert matcha et les célèbres Pocky du Japon, au chocolat ou à la fraise.
Titre et auteur | Sortie Parc, Gare d’Ueno, Yu miri |
Titre en VO | JR上野駅公園口 |
Thèmes abordés | SDF, pauvreté, mort |
Édition | Actes Sud |
Format et pages | 170 pages, petit format, facile à lire dans les bus bondés |
Âge | A partir de 13-14 ans |
Prix | 16,80€ |
Avertissement | violences |
Où l’acheter | Chez votre libraire préféré. |
Plus tendre, appréciez ce roman japonais adapté par Taniguchi : Les années douces d’Hiromi Kawakami.
Sur le thème de la misère sociale, mais nettement plus documenté, découvrez Les dépossédés de McLiam Wilson.
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2 échanges Livre rangé le 24 mai 2017 dans les bibliothèques : Actes Sud, De 15 à 20 euros, Dès 12 ans, Dès 14 ans, Deuil, Japon, Pauvreté, Petits formats, Sociologie, Yû Miri |
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2 échanges
Très beau retour ! Merci.
26 mai 2017 - 10 h 35 min
Merci à toi !
26 mai 2017 - 21 h 51 min
Votre parole est importante, merci de la partager avec nous