Les fleurs du mal de Charles Baudelaire est un recueil de poèmes mythique, connu pour ses vers sombres, libidineux, scandaleux… Petite merveille d’art et de révolution, cette œuvre a été censurée, son auteur puni, et c’est ainsi qu’en 1857 sont parus les poèmes les plus connus du XIXème siècle. 160 ans plus tard, ces textes licencieux sont étudiés, récités, lus et relus, pour notre plus grand plaisir morbide.
Attention, vous ne serez ni Spleen, ni L’ennemi, ni L’albatros ! Je préfère vous laisser découvrir — ou redécouvrir — les poèmes que l’on a oubliés…
« Les hiboux »
Sous les ifs noirs qui les abritent,
Les hiboux se tiennent rangés,
Ainsi que des dieux étrangers,
Dardant leur oeil rouge. Ils méditent.
Sans remuer ils se tiendront
Jusqu’à l’heure mélancolique
Où, poussant le soleil oblique,
Les ténèbres s’établiront.
Leur attitude au sage enseigne
Qu’il faut en ce monde qu’il craigne
Le tumulte et le mouvement,
L’homme ivre d’une ombre qui passe
Porte toujours le châtiment
D’avoir voulu changer de place.
Vous êtes une personne calme, à tel point que vous semblez parfois glacial aux yeux des inconnus. Vous semblez aussi sage qu’inquiétant ; on ne sait jamais si l’on doit vraiment vous écouter ou si vous tendez des pièges aux naïfs. Vous calculez beaucoup, anticipez énormément, prévoyez constamment : cela peut vous donner l’image d’une personne manipulatrice, alors que vous calmez simplement vos angoisses par la rigueur.
« Les litanies de Satan »
Ô toi, le plus savant et le plus beau des Anges,
Dieu trahi par le sort et privé de louanges,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère !
Ô Prince de l’exil, à qui l’on a fait tort
Et qui, vaincu, toujours te redresses plus fort,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère !
Toi qui sais tout, grand roi des choses souterraines,
Guérisseur familier des angoisses humaines,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui, même aux lépreux, aux parias maudits,/
Enseignes par l’amour le goût du Paradis,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Ô toi qui de la Mort, ta vieille et forte amante,
Engendras l’Espérance, — une folle charmante!
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui fais au proscrit ce regard calme et haut
Qui damne tout un peuple autour d’un échafaud.
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui sais en quels coins des terres envieuses
Le Dieu jaloux cacha les pierres précieuses,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi dont l’oeil clair connaît les profonds arsenaux
Où dort enseveli le peuple des métaux,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi dont la large main cache les précipices
Au somnambule errant au bord des édifices,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui, magiquement, assouplis les vieux os
De l’ivrogne attardé foulé par les chevaux,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui, pour consoler l’homme frêle qui souffre,
Nous appris à mêler le salpêtre et le soufre,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui poses ta marque, ô complice subtil,
Sur le front du Crésus impitoyable et vil,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui mets dans les yeux et dans le coeur des filles
Le culte de la plaie et l’amour des guenilles,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Bâton des exilés, lampe des inventeurs,
Confesseur des pendus et des conspirateurs,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Père adoptif de ceux qu’en sa noire colère
Du paradis terrestre a chassés Dieu le Père,
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!
Prière
Gloire et louange à toi, Satan, dans les hauteurs
Du Ciel, où tu régnas, et dans les profondeurs
De l’Enfer, où, vaincu, tu rêves en silence !
Fais que mon âme un jour, sous l’Arbre de Science,
Près de toi se repose, à l’heure où sur ton front
Comme un Temple nouveau ses rameaux s’épandront !
Vous êtes une personne scandaleuse, provocante, qui aime rompre avec les codes sociaux. On peut vous reprocher à tout moment votre côté excessif, mais vous ne pouvez lutter lorsque votre passion s’enflamme. Personnalité contradictoire, vous mêlez pessimisme et idéalisme : le monde vous tourmentera toujours mais toujours vous vous battrez pour qu’il devienne meilleur.
« Le Crépuscule du Soir »
Voici le soir charmant, ami du criminel ;
Il vient comme un complice, à pas de loup ; le ciel
Se ferme lentement comme une grande alcôve,
Et l’homme impatient se change en bête fauve.
Ô soir, aimable soir, désiré par celui
Dont les bras, sans mentir, peuvent dire : Aujourd’hui
Nous avons travaillé ! – C’est le soir qui soulage
Les esprits que dévore une douleur sauvage,
Le savant obstiné dont le front s’alourdit,
Et l’ouvrier courbé qui regagne son lit.
Cependant des démons malsains dans l’atmosphère
S’éveillent lourdement, comme des gens d’affaire,
Et cognent en volant les volets et l’auvent.
A travers les lueurs que tourmente le vent
La Prostitution s’allume dans les rues ;
Comme une fourmilière elle ouvre ses issues ;
Partout elle se fraye un occulte chemin,
Ainsi que l’ennemi qui tente un coup de main ;
Elle remue au sein de la cité de fange
Comme un ver qui dérobe à l’homme ce qu’il mange.
On entend çà et là les cuisines siffler,
Les théâtres glapir, les orchestres ronfler ;
Les tables d’hôte, dont le jeu fait les délices,
S’emplissent de catins et d’escrocs, leurs complices,
Et les voleurs, qui n’ont ni trêve ni merci,
Vont bientôt commencer leur travail, eux aussi,
Et forcer doucement les portes et les caisses
Pour vivre quelques jours et vêtir leurs maîtresses.
Recueille-toi, mon âme, en ce grave moment,
Et ferme ton oreille à ce rugissement.
C’est l’heure où les douleurs des malades s’aigrissent !
La sombre Nuit les prend à la gorge ; ils finissent
Leur destinée et vont vers le gouffre commun ;
L’hôpital se remplit de leurs soupirs. – Plus d’un
Ne viendra plus chercher la soupe parfumée,
Au coin du feu, le soir, auprès d’une âme aimée.
Encore la plupart n’ont-ils jamais connu
La douceur du foyer et n’ont jamais vécu !
Vous êtes une personne mystérieuse et voluptueuse ; on aime vous revoir, vous regarder et vous parler sans jamais vraiment savoir pour quelles raisons. Vous portez un regard à la fois doux et cynique sur le monde et lisez dans les âmes comme dans un livre ouvert. Vous êtes, malgré votre folie, une personne réconfortante grâce à votre ouverture d’esprit.
« Le Vin de l’Assassin »
Ma femme est morte, je suis libre !
Je puis donc boire tout mon soûl.
Lorsque je rentrais sans un sou,
Ses cris me déchiraient la fibre.
Autant qu’un roi je suis heureux ;
L’air est pur, le ciel admirable…
Nous avions un été semblable
Lorsque j’en devins amoureux !
L’horrible soif qui me déchire
Aurait besoin pour s’assouvir
D’autant de vin qu’en peut tenir
Son tombeau ; – ce n’est pas peu dire :
Je l’ai jetée au fond d’un puits,
Et j’ai même poussé sur elle
Tous les pavés de la margelle.
– Je l’oublierai si je le puis !
Au nom des serments de tendresse,
Dont rien ne peut nous délier,
Et pour nous réconcilier
Comme au beau temps de notre ivresse,
J’implorai d’elle un rendez-vous,
Le soir, sur une route obscure.
Elle y vint ! – folle créature !
Nous sommes tous plus ou moins fous !
Elle était encore jolie,
Quoique bien fatiguée ! et moi,
Je l’aimais trop ! voilà pourquoi
Je lui dis : Sors de cette vie !
Nul ne peut me comprendre. Un seul
Parmi ces ivrognes stupides
Songea-t-il dans ses nuits morbides
À faire du vin un linceul ?
Cette crapule invulnérable
Comme les machines de fer
Jamais, ni l’été ni l’hiver,
N’a connu l’amour véritable,
Avec ses noirs enchantements,
Son cortège infernal d’alarmes,
Ses fioles de poison, ses larmes,
Ses bruits de chaîne et d’ossements !
– Me voilà libre et solitaire !
Je serai ce soir ivre mort ;
Alors, sans peur et sans remord,
Je me coucherai sur la terre,
Et je dormirai comme un chien !
Le chariot aux lourdes roues
Chargé de pierres et de boues,
Le wagon enragé peut bien
Écraser ma tête coupable
Ou me couper par le milieu,
Je m’en moque comme de Dieu,
Du Diable ou de la Sainte Table !
Vous êtes une personne complexe, tourmentée, et avez choisi l’humour — quoiqu’il fût souvent un peu douteux — pour enfouir cette souffrance. Vous aimez rire, danser, profiter de la vie… tout en rêvant secrètement de morts, de drames et d’explosions — moments funestes où vous pourriez, enfin, exulter, vous révéler.
« Tristesses de la lune »
Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse ;
Ainsi qu’une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui d’une main distraite et légère caresse
Avant de s’endormir le contour de ses seins,
Sur le dos satiné des molles avalanches,
Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons,
Et promène ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l’azur comme des floraisons.
Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
Elle laisse filer une larme furtive,
Un poète pieux, ennemi du sommeil,
Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d’opale,
Et la met dans son cœur loin des yeux du soleil.
Vous êtes une personne tendre et mélancolique. Vous aimez la douceur, la délicatesse, et préférez souvent fuir le conflit pour ne blesser personne, quitte à vous laisser ronger par vos désillusions. Vous êtes une belle personne, d’une gentillesse précieuse, mais il faut beaucoup de patience pour parvenir à entrer véritablement dans votre univers.
Quel personnage des Liaisons dangereuses êtes-vous ?
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4 échanges Livre rangé le 6 juin 2018 dans les bibliothèques : Baudelaire, classique, Conseils littéraires, Test de personnalité |
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4 échanges
C’est drôle comme tout! Je suis Le Vin de l’assassin, ce beau titre me va bien mais je ne songe pas tout le temps à la mort !!! 🙂
10 juin 2018 - 18 h 18 min
c’est génial !!! Je suis D et ça me va bien, merci pour la redécouverte de ce beau poème !
6 février 2021 - 19 h 08 min
Toujours D ? Ça donne des frissons ! 💣
6 février 2021 - 20 h 15 min
oh punaise, j’avais déjà commenté ! Bon, au moins, je ne change pas trop 🙂
6 février 2021 - 19 h 08 min
Votre parole est importante, merci de la partager avec nous