Les putains du diable est un ouvrage réflexif écrit par Armelle Le bras-Chopard, professeur des Universités et politologue, paru en 2006 chez Plon. Ce livre traite des procès de femmes en sorcellerie : coïts avec le diable, dégustations de nourrissons, sabbats et orgies démoniaques sont les crimes des accusées. Cependant, notre auteure s’intéresse non seulement aux récits de ces procès mais également à cet outil de répression que fut la chasse aux sorcières, dans une société qui devient moderne.
Ni magiciennes, ni guérisseuses : putains de sorcières
En ouvrant Les putains du diable, vous ferez la connaissance des sorcières qui ont inspiré l’imaginaire collectif. Il ne s’agit pas de s’intéresser aux guérisseuses, aux magiciennes, aux astrologues ou aux possédées : il s’agit de visualiser l’étrange sabbat de celles qui pratiquent la nigromancie, la magie noire, tel qu’il est raconté dans les différents traités de démonologie. En découvrant le Malleus Maleficarum ou la Démonomanie, vous entrez dans cet univers sordide qu’est le procès des femmes sorcières. S’il est vrai que l’Inquisition conçoit que des hommes puissent être sorciers — et encore, c’est bien souvent la faute de leurs femmes — 80% des condamnés en sorcellerie sont des femmes. Et pour cause, les sorcières le deviennent en couchant avec le diable : et comme chacun sait, le diable, c’est un homme — hétérosexuel, bien sûr !
« Il arrive d’ailleurs aux démonologues, soucieux de la grammaire, de commencer une phrase par « les sorciers » et de poursuivre par « elles » pour désigner ceux-ci. »
Le Diable, sexe et rébellion
Dans un premier temps, Armelle Le bras-Chopard vous montre les différentes facettes de ce fameux démon, selon l’Eglise. Comme si vous parcouriez une galerie de peintures, vous apprenez comment l’on s’imaginait le diable au fur et à mesure des siècles ; s’il est au départ plus un concept qu’un visage, il devient peu à peu, paradoxalement, une sorte de dieu omnipotent et effrayant — celui qui nous soumet à la tentation. Ainsi, le diable qui évoque d’abord la sexualité, la déviance pécheresse, devient peu à peu le symbole de la rébellion et de la lutte contre le pouvoir. C’est pourquoi son union avec la femme ne peut qu’aboutir à la création d’une vile sorcière, à la fois sexe et liberté outrageuse.
« […] Or, commente J. Baschet, « debout, Satan n’est qu’un monstre gesticulant ; assis, il commande, il est un chef. Le droit au siège n’est pas la plus mince conquête de Satan ». »
Les procès en sorcellerie, œuvre de la domination masculine
Ainsi, en lisant ces fameuses histoires de procès, vous entrez dans le bain sordide de ce fantasme collectif sur les sorcières : elles sont avant tout, finalement, des femmes qui confessent des scènes sexuelles poussées devant un jury aussi offusqué qu’attentif. Il est intéressant de voir à quel point les pieuses oreilles de l’Église et de l’Autorité s’attachent à entendre les récits d’une sexualité inconvenante et bestiale.
« Le juge doit poser à la prévenue, entre autres questions, celles-ci : « Comment étaient le pénis du Diable et sa semence ? Si le coït avec le Diable a donné plus grand plaisir à l’accusée qu’avec un homme normal ? […] Si le coït a été exécuté de manière naturelle ou sur d’autres parties du corps ? » »
Cependant, si ce livre émoustille par les horreurs qui y sont racontées, c’est la réflexion sur l’évolution de la domination masculine qui est véritablement intéressante et bien construite. L’auteure rappelle que le pic des condamnations en sorcellerie se produit au temps de l’Humanisme, lorsque les femmes acquièrent petit à petit liberté et autonomie. D’une façon claire et didactique, Armelle Le bras-Chopard explique comment l’Etat moderne — et laïque — se construit habilement sur ses procès en sorcellerie, qui semblaient pourtant, déjà, d’un autre âge.
Si vous vous intéressez à la littérature féministe, voici un ouvrage que vous ne devez pas ignorer. Véritable explication sur les systèmes de répression, il pose également une réflexion sur le monde contemporain. Si vous aimez le thème de la chasse aux sorcières, que les traités de démonologie vous fascinent, vous devriez apprécier certains aspects de ce livre. Enfin, si vous cherchez une lecture intelligente et claire sur l’histoire des sorcières en Occident, vous aimerez ce livre.
Si vous recherchez un roman sur les sorcières, vous faites fausse route car il s’agit ici d’une production critique, qui s’intéresse à l’histoire et à la politique : bref, que du réel ! Si vous avez besoin d’une lecture réconfortante sur le thème du droit des femmes et que vous êtes sensible à ce sujet, attendez d’être de meilleur humeur avant de vous lancer.
Pendant votre lecture, vous apprécierez un thé vert fraise, en grignotant des bonbons très sucrés.
Titre et auteur | Les putains du Diable, Armelle Le bras-Chopard |
Thèmes abordés | Sorcières, procès, féminisme |
Édition | Plon |
Format et pages | 249 pages, moyen format, à lire dans le métro |
Âge | Apprécié à partir de 16 ans |
Prix | Entre 10 et 30€ en occasion |
Avertissement | sexe, violence |
Où l’acheter | Chez votre libraire préféré (disponible uniquement en occasion) |
Si vous vous intéressez aux procès de femmes, n’hésitez pas à découvrir ces comptes rendus de procès de femmes au XVIIIème siècle.
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Un échange Livre rangé le 29 août 2018 dans les bibliothèques : Armelle Le bras-chopard, Challenge, De 15 à 20 euros, De 20 à 30 euros, Dès 16 ans, Féminisme, Halloween, Histoire, Magie, Moyen format, Plon, Pumpkin Autumn Challenge, Sociologie |
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Un échange
C’est ce livre que je cherchais sans trouver le titre exact. Il me plaît beaucoup étant concernée par le féminisme.
1 septembre 2018 - 5 h 38 min
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