Les frères Karamazov est l’ultime roman de l’auteur russe Dostoïevski : il est celui qui cristallise la philosophie et les doutes philosophiques du génie qui a créé l’intense et formidable Crime et châtiment. Ce long roman évoque les relations troubles de trois frères, Dmitri le débauché, Ivan le triste intellectuel et le pieux Aliocha, face à leur père Fyodor, un personnage grossier et ignoble. Ce dernier est retrouvé assassiné et le lecteur s’interroge : lequel des frères a commis le parricide ? Lequel d’entre eux a succombé à la tentation du meurtre ?
Lenteurs romanesques et liaisons sordides
Avant d’ouvrir ce livre qui est certes une source de réflexions et d’élévation philosophique inestimable, vous devriez savoir qu’il a d’abord paru en feuilleton. Et comme chacun sait, nombreux sont les romans qui, édités morceaux par morceaux, contiennent des lenteurs parfois accablantes… C’est ainsi que le meurtre du père, qui n’est un secret pour personne et qui est le cœur de l’œuvre, n’apparaît qu’à la moitié du récit. De ce fait, la patience vous sera une qualité indispensable si vous voulez véritablement jouir de l’expérience romanesque et intellectuelle que propose le livre. Il faut lire Les frères Karamazov de Dostoïevski si vous vous sentez capable de patience et de persévérance.
Votre première expérience oscillera entre sensualité morbide et religiosité glaçante. D’abord, vous vous retrouverez spectateur d’une intrigue amoureuse sordide, dans laquelle père et fils se disputent une jeune femme obnubilée par le désir de séduire et fascinée par toute la famille Karamazov. C’est au milieu de ces friponneries divertissantes que le narrateur vous dépeindra une société religieuse inspirée et inspirante mais non pas dénuée de folie et d’orgueil. Se mêlent alors dans la même intrigue l’odeur enivrante de la femme séductrice et le parfum nauséabond du cadavre d’un vieux sage ; et c’est dans cette atmosphère pernicieuse que naissait régulièrement mon sourire cynique quand un rire grotesque n’éclatait pas. Car s’il y a bien une œuvre touchée par des réflexions cyniques, c’est bien Les frères Karamazov de Dostoïevski « Plus j’aime l’humanité en général, moins j’aime les gens en particulier, comme individus ». Ce type de contraste fait véritablement le charme des œuvres de Dostoïevski… mais il faut savoir l’apprécier.
Meurtre, folie et parricide
Ensuite, lorsque vous serez confronté au meurtre, les actions se succèderont enfin sans tomber dans des délires contemplatifs. Vous serez plongé dans une intrigue policière finalement bien faite qui déconcerte et désoriente car le lecteur n’est plus sûr de ce qu’il a lu précédemment : vous deviendrez vous-même aussi confus et paranoïaque que les frères Karamazov, ce qui est une expérience assez dérangeante. C’est un moment intense dans le roman, aussi sombre qu’exaltant. Je craignais que l’on chute dans les plaintes gémissantes et désolées d’un Raskolnikov mais, fort heureusement, Dostoïevski nous épargne cela. Il vous faut donc lire Les frères Karamazov si vous espérez mener une enquête haletante dans la Russie du XIXème siècle ; cependant, un petit conseil : armez-vous d’un carnet de route…
Toutefois, ce qui fait l’essence du roman, ce ne sont hélas pas les actions qui s’y produisent puisqu’elles sont rares, en définitive — et c’est en cela qu’il faut un lecteur patient et aguerri pour ouvrir les pages de ce livre. Ce sont les dialogues philosophiques, les débats, les discussions intellectuelles et passionnées entre les personnages qui constituent la substantifique moelle des Frères Karamazov.
Du roman philosophique au recueil de citations
Les phrases les plus belles, les pensées les plus profondes, les aveux les plus touchants sur l’espèce humaine sont contenus dans les échanges verbaux entre les personnages, « Rien n’est plus pénible pour un malheureux que de voir tous les gens se considérer comme des bienfaiteurs »… Ces mêmes échanges qui ralentissent le roman et risquent de vous plonger parfois dans un ennui effroyable, vous donnant envie de sauter des pages jusqu’à ce qu’il se passe quelque chose pour vous sortir enfin de notre torpeur. C’est pourquoi l’œuvre donne parfois le sentiment que l’on lit un recueil philosophique, duquel on peut tirer des citations profondes et complexes, sans avoir véritablement d’intérêt pour l’intrigue romanesque en elle-même. Comme si c’était un roman que l’on pouvait simplement feuilleter à loisir…
« Souviens-toi que tu ne peux être le juge de personne. »
Les livres de Dostoïevski sont comme ces verres d’alcools forts que l’on goûte nonchalamment en public pour maintenir une certaine contenance mais dont on détermine vraiment les qualités une fois que l’on est seul.
A qui le conseiller
Si vous êtes un amateur de philosophie et que vous avez aimé Crime et châtiment, vous pouvez vous lancer dans cette lecture. Si vous faites partie de ceux qui aiment les longs romans, parus en feuilleton, dont les lenteurs n’en sont qu’un délice de plus, vous tomberez nécessairement sous le charme de cette œuvre. Quant aux jeunes esprits qui étudient Dostoïevski à l’université, votre temps ne sera point perdu si vous vous lancez dans ce long roman puisque vous aurez accès aux dernières pensées philosophiques de cet auteur — et que vous trouverez des citations à mettre dans chacune de vos dissertations, tellement l’œuvre pose une réflexion sur tout.
A qui le déconseiller
Si vous êtes un lecteur timide qui n’ose pas entreprendre de longues lectures et qui a besoin de changer régulièrement d’univers, passez votre chemin, vous risqueriez de tomber d’ennui. Si vous n’avez jamais ouvert un Dostoïevski vous ne devriez sans doute pas commencer par celui-ci, vous pourriez être refroidi durablement par cette expérience. Sont à mettre en garde également les amoureux de Tolstoï : de même que les auteurs français sont tous différents, tous les auteurs russes ne sont pas identiques et tandis que Tolstoï propose des œuvres intenses et vives, Dostoïevski se montre nettement plus lent et contemplatif.
Pendant la lecture
Il vous faudra un thé aux saveurs russes classiques comme le Troïka de Kusmi Tea, un mélange de bergamote, d’orange et de mandarine pour éveiller vos sens. Accompagnez votre lecture de biscuits à la fleur d’oranger, de petits gâteaux au chocolat, de madeleines à la vanille : préparez-vous comme pour un siège !
Titre et auteur | Les frères Karamazov, Dostoïevski |
Thèmes abordés | Meurtre, famille, philosophie, amour, Russie |
Édition | Kindle |
Format et pages | format numérique, à emporter partout |
Âge | Apprécié à partir de 18-20 ans |
Prix | 0€ |
Avertissement | Meurtre, maltraitance animale, folie |
Où l’acheter | Chez votre libraire préféré. |
Vous voulez découvrir davantage la littérature russe ? N’hésitez pas à lire Tolstoï et ses charmantes nouvelles issues du recueil La tempête de neige et autres récits.
Dans un style complètement différent, vous apprécierez peut-être le spécial classique « Faut-il lire… Frankenstein de Mary Shelley ? »
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2 échanges Livre rangé le 13 février 2017 dans les bibliothèques : Amour, classique, Dès 18 ans, Dès 20 ans, Dostoievski, Famille, Faut-il lire..., Gratuit, Kindle, Moins de 5 euros, Numérique, Russie, Sociologie, Violence |
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2 échanges
Dostoïevski est mon écrivain préféré…
14 février 2017 - 8 h 54 min
Je suis à peine étonnée :p
15 février 2017 - 14 h 33 min
Votre parole est importante, merci de la partager avec nous