A la grâce de Marseille, publié en 2000, est un roman écrit par James Welch, un auteur américain d’origine amérindienne, né dans une réserve indienne en 1940. Ce livre raconte l’histoire d’un indien, Charging Elk, venu en France en 1889 avec la troupe de Buffalo Bill (cette tournée légendaire, nommée le West Wild Show, a réellement eu lieu). Malheureusement, lors de son spectacle à Marseille, Charging Elk attrape la grippe, se blesse et se retrouve abandonné à l’hôpital par sa troupe, qui n’attend pas son rétablissement et poursuit ses représentations dans d’autres villes. Le protagoniste se retrouve seul, sans repères, sans connaître la langue, dans la fourmillante ville de Marseille.
L’histoire d’un déracinement
Evidemment, en ouvrant A la grâce de Marseille, vous allez vous plonger dans les pérégrinations d’un homme déraciné, au cœur du vieux Marseille, celui du début du XXe siècle, celui des quartiers portés par une immigration variée et nouvelle. Charging Elk, le protagoniste, essaie de comprendre le fonctionnement de ce nouveau monde qui l’entoure, après n’avoir jamais connu réellement de stabilité culturelle dans la mesure où il a été élevé dans une réserve indienne, à cause de la colonisation américaine, et qu’il a ensuite quitté les siens pour participer au spectacle de Buffalo Bill. Ce qui est intéressant, c’est que le déracinement du protagoniste intervient donc avant même qu’il ait laissé sa terre natale.
« Elle le regarda et fit un petit signe de tête, désignant ce qu’elle avait dans sa paume. Charging Elk s’avança alors vers elle. Il était demeuré si longtemps immobile qu’il avait les jambes engourdies par le froid. Un rayon de soleil éclairait à présent l’étal de la jeune femme dont le visage baignait dans l’éclat doré. Il prit la blague et le tabac, se roula une cigarette puis les lui rendit.
– Merci madame, dit-il sans réfléchir. Broncho Billy leur avait expliqué qu’il s’agissait d’une formule de politesse. Il était lui-même étonné d’avoir prononcé les mots avec tant de facilité. Tabac, reprit-il. Merci beaucoup, madame. »
L’histoire d’une vie
Ainsi, nous pourrions penser à tort que ce livre évoque uniquement un choc culturel : celui qui se serait produit de la rencontre entre un Indien d’Amérique traditionnel et celle des Marseillais et des immigrés de la cité phocéenne. Or, vous vous rendrez vite compte que l’identité culturelle de Charging Elk n’est pas tant marquée que cela, puisqu’il a été dépouillé de sa culture par un autre peuple dominant, bien avant qu’il se retrouve coincé à Marseille.
« Charging Elk sentit son esprit combattif l’abandonner. Il se rendit compte qu’il se sentait aussi impuissant dans ce pays étranger de l’autre côté de la grande eau que les siens sur leurs propres terres. »
Par conséquent, ce roman narre l’histoire d’une vie, certes particulière, mais d’une vie avec toutes ses misères et ses banalités : travail, ennui, relations, trahisons, déceptions… Le protagoniste, extrêmement touchant et attachant, ne demeure pas coincé dans une errance administrative ou culturelle mais traverse de nombreux quiproquo, de nombreuses péripéties, ce qui rend le roman palpitant — et parfois triste.
L’histoire extraordinaire d’un ordinaire
Finalement, A la grâce de Marseille vous envoie auprès d’un homme ordinaire, le bon, simple et gentil Charging Elk, qui se retrouve emmêlé dans des mésaventures extraordinaires. Nul doute que sans ces multiples rebondissements, notre protagoniste aurait vécu une vie banale, peut-être même dénuée de saveurs car, ce que l’on pourrait reprocher à ce roman, c’est d’avoir davantage caractérisé Charging Elk par son identité que par sa personnalité : sans réels défauts, ce personnage attachant pourrait vous sembler parfois trop lisse.
« Comment imaginer que ses parents accepteraient ce géant à la peau brune ? On le considérerait comme une sorte de monstre et elle, comme l’épouse d’un monstre. »
Si vous aimez les romans de Zola, vous devriez aimer cette histoire qui développe quasiment de bout en bout le parcours d’un homme déraciné, en vous faisant plonger dans le Marseille du début du XXe siècle. Si vous vous intéressez aux thèmes de l’immigration, il me semble que ce livre prendrait bien sa place dans votre bibliothèque. Enfin, si vous aimez les romans dans lesquels de nombreux événements se succèdent, dans un style simple et agréable, ce James Welch devrait vous séduire.
Si vous recherchez un roman sur les indiens d’Amérique, passez votre chemin car ce n’est pas le sujet de ce livre. Charging Elk quitte sa terre natale, évoque peu de souvenirs et doit s’accommoder du nouveau style de vie occidental donc ce n’est pas une œuvre qui porte sur les indiens d’Amérique. Ensuite, si les romans qui se concentrent autour du parcours de vie d’un seul personnage vous ennuient, peut-être que A la grâce de Marseille n’est pas fait pour vous convenir.
Pendant la lecture, vous apprécierez un thé vert simple avec des lamelles de citron et des petits biscuits secs aux amandes et aux noix.
Titre et auteur | A la grâce de Marseille, James Welch |
Thèmes abordés | Marseille, immigration, culture, bagne |
Édition | Edition 10/18 |
Format et pages | 480 pages, petit format, à lire dans les transports |
Âge | Apprécié à partir de 14 ans |
Prix | 8,80€ |
Avertissement | Sexe, prostitution, meurtre |
Où l’acheter | Dans une librairie près de chez vous, mais dans une autre édition plus onéreuse, en cliquant ici. |
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